Le livre suit une chaîne établie dans tous les systèmes (voir image ci-contre, filière livre) qui commence par la création puis la production, la diffusion-distribution, la commercialisation et la consommation.
La création est le lot de l’écrivain, personne qui donne naissance à l’œuvre en tant que création artistique dans un ou plusieurs genres littéraires tels que le roman, la nouvelle, la poésie, le théâtre, le récit, le conte et l’essai. A côté des œuvres de fiction, il y a des ouvrages documentaires, des monographies comme des périodiques ; les auteurs sont de toutes les couches sociales: universitaires, professionnels, enseignants, étudiants, journalistes, des personnes physiques ou morales….. Les auteurs, écrivains, illustrateurs, "bédéistes" sont réunis au sein des associations des Ecrivains. Celles-ci œuvrent à la découverte puis à la promotion des jeunes écrivains à travers des concours de création littéraire mais aussi à l’amélioration de la situation des auteurs dans leur relation avec les éditeurs pour le respect et le paiement des droits d’auteur. Il existe des éditions à compte d’auteur, situation dans laquelle l’auteur finance lui-même les frais d’édition de son œuvre, ou des cas de commande d’œuvres par l’éditeur.
Pour ce qui est de la production, on y inclut les activités d’édition et de fabrication du livre. L’édition a connu une émergence avec la naissance des grandes maisons d’édition à travers le monde. C’est le cas de Larousse, Edicef, Hatier, Hachette, Gallimard, etc. en France. En Côte d’Ivoire, l’avènement de l’édition est marquée par la naissance du Centre d’Edition et de Diffusion Africain (CEDA) en 1961 et l’ouverture d’un bureau à Abidjan des Nouvelles Editions Africaines (NEA) qui deviendra Nouvelles Editions Ivoiriennes (NEI) en 1992. Ces deux maisons d’édition vont contribuer à l’édition des livres scolaires résultant du programme "école et développement" adopté par le gouvernement. Dans les années 90 vont naître plusieurs maisons privées d’édition qui vont se regrouper en Association des Editeurs Ivoiriens (ASSEDI) créée en 1998 et initiatrice du salon International du Livre d’Abidjan (SILA). Mais la prédominance du secteur informel dans l’univers du livre des pays du Sud, rend difficile l’exercice du métier. Aussi, vu la faiblesse du maillon distribution, les éditeurs se chargent eux-mêmes d’acheminer les livres à la commercialisation.
Après l’édition, c’est la fabrication du livre avec le technicien prépresse qui traduit l’ensemble des personnes qui interviennent dans l’impression du livre. Le prépresse s’organise autour du prépresse traditionnel, du prépresse assisté par ordinateur, la prémaquette, la mise en page, le montage, la recherche et le traitement de l’image. La première imprimerie à voir le jour en Côte d’Ivoire fut l’imprimerie nationale mais aujourd’hui de nombreux imprimeurs du secteur privé ont vu le jour pour la fabrication des « 7 sept millions de livres imprimés chaque année » (rezoivoire.net, 2008) mais qui accomplissent pour la plupart des travaux de villes (cartes de visites, calendrier,..). En sus, les coûts de fabrication élevés du livre obligent certains éditeurs à se tourner vers des imprimeurs étrangers notamment en France, en Italie, au Maroc, en Tunisie et au Liban. Ce maillon qui implique des machines est très peu développé d’où la petitesse de la taille du marché du livre en Côte d’Ivoire. Il en découle un certain nombre d’entreprises exerçant dans l’informel.
La distribution-diffusion du livre, est une activité exercée par très peu d’acteurs du livre. On pourrait même dire que le maillon de la distribution du livre est inexistant sinon très faible dans les pays du Sud. En Côte d’Ivoire, Seul l’éditeur NEI-CEDA dispose d’un groupe de diffusion dont l’activité consiste à propager le plus largement possible les ouvrages en fonction du public cible. On considère aussi "édipresse" comme l’unique diffuseur, cependant, cette société est beaucoup plus axée sur la presse locale et internationale, le livre ne représentant qu’une part très réduite de son activité. Cela explique la faiblesse de la production nationale et le marché se voit investi en grande majorité par le livre importé. Après sa fusion avec SALIPACI, la Librairie de France devient un distributeur dont le monopole reste de fait sur ce maillon.
Acteur de la promotion du livre, le libraire assure la commercialisation du livre en proposant une diversité d’ouvrages à un public ou une clientèle. Le métier de libraire s’exerce en principe dans un espace spécifique, convivial, structuré, lumineux ; c’est la matrice du concept de librairie. Les libraires ivoiriens sont regroupés au sein du Collectif des Libraires Professionnels de Côte d’Ivoire (CLPCI) en vue de la défense de leurs intérêts et de la promotion de leur profession. On note cependant que le livre circule de façon inégale entre les différentes zones de la Côte d’Ivoire ; à cela s’ajoute la grande présence des "librairies par terre" et des librairies ambulantes qui connaissent du succès en raison de leur proximité aux populations et du prix moins élevé des livres qu’elles offrent.
A la fin de la chaîne se trouvent les consommateurs parmi lesquels les bibliothèques et centres de documentation, acteurs essentiels de la chaîne qui constituent des points de rencontre privilégiés entre le public et le livre. Depuis les indépendances et même bien avant, la Côte d’Ivoire a connu des bibliothèques pour ensuite bénéficier du soutien des organisations internationales dans le cadre de projets d’action culturelle (PARMEN, PADEC,). Mais les problèmes infrastructurels et de ressources humaines sans oublier la situation que traverse actuellement le pays rendent difficile le maillage du territoire national en bibliothèques. Comme consommateurs, il y a aussi les établissements d’enseignements car le manuel scolaire représente les « 70% » (entretiens avec un professionnel du livre) de la production éditoriale en Côte d’Ivoire. Depuis le préscolaire jusqu’au supérieur, c’est une clientèle captive qui procure à l’industrie du livre l’essentiel de ses revenus. On n’oublie pas les ménages qui achètent le livre même en quantité réduite ; la situation que traverse le pays rend le pouvoir d’achat faible quant à acquérir des livres.
Ainsi en Côte d’Ivoire comme partout dans les pays du Sud, on note une chaîne du livre aux maillons perceptibles avec une prédominance du secteur informel. On note aussi la faiblesse de la technologie, des investissements et du marché. C’est une filière dont le maillon faible est la diffusion-distribution.
Les statistiques dans la filière du livre en Côte d’Ivoire (dont le modèle est grandement inspiré de celui de la France) sont insuffisantes et quand elles existent, elles sont difficilement transmissibles par les opérateurs de la filière du livre et même par le MCF chargé de la gestion institutionnelle du livre. Cela explique la faible quantité des informations dans ce domaine. On retient cependant que quelques données sont visibles mais ne sont pas récentes. Ainsi, jusqu’en 2003, les acteurs du livre se répartissaient comme suit
Tableau 1. La chaîne du livre en Côte d'ivoire
N° INTERVENANTS QUANTITE
1 Ecrivains 88
2 Editeurs 11
3 Techniciens prépresse 4
4 Imprimeurs 17
5 Distributeurs 3
6 Libraires 22
7 Bibliothèques-Documentations 83
Source : Guide des professionnels du livre de Côte d’Ivoire, 2003
L’industrie du livre en Côte d’ivoire souffre de sa désorganisation, ce qui rend difficile la collecte des données dans ce domaine. Cependant, avec 70% de manuels scolaires et 30% de littérature générale, on retient que la production éditoriale s’élève à « 150 nouveautés par an et 7 millions de livres sont imprimés chaque année » (Sylla, 2007).
La filière livre en tant qu’industrie culturelle, produit des revenus qui, dans l’économie globale de la Côte d’Ivoire permet de saisir les enjeux de ce secteur dans le développement de ce pays. Ainsi, selon une enquête assez récente réalisée sur Abidjan pour le compte de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), les données suivantes peuvent être présentées :
Tableau 2. Environnement et emplois
SECTEUR FONCTION NOMBREDE STRUCTURES EMPLOIS
Environnement culturel Organisme de formation 5 243
Structures institutionnelles 4 752
Associations, organisations professionnelles 18 Ind.
TOTAL 27 995
SECTEUR FONCTION NOMBRE DE STRUCTURES EMPLOIS
Edition Maisons d’édition 10 473
Distributeurs-Librairies 15 230
Presse écrite 11 817
Agences de presse 4 89
Bibliothèque 8 65
TOTAL 48 1674
Sont pris en compte dans ce tableau les établissements publics qui œuvrent dans le secteur de la culture. Les associations professionnelles sont indéterminées ; leur multitude et l’anarchie dans le secteur rend difficile leur détermination. Si cet environnement culturel emploie 995 personnes, le secteur de l’édition fournit 1674 emplois pour un total de 48 structures. Ces emplois ont des répercussions sur l’économie en termes de retombées fiscales et financement des ménages. Mais la prédominance du secteur informel empêche de saisir l’importance de ce domaine. On note aussi que la filière est très peu structurée ; le maillon distribution est faible en Côte d’Ivoire ; il est marqué par le monopole de deux structures : édipresse et LDF.
Toujours dans le sens de la contribution à l’économie nationale, on en arrive au niveau d’activités.
Tableau 3. Revenus financiers du livre
SECTEUR TAILLE DES ENTREPRISES PART(%) NIVEAU D’ACTIVITE (US$)
Micro entreprises 58 300 000 en moyenne (153 millions FCFA)
Ecrit Petites entreprises 30 2 millions en moyenne (1 milliard FCFA)
Moyennes entreprises 10 5,7 millions en moyenne (3milliards FCFA)
Grandes entreprises 2 9,6 millions en moyenne (5 milliards FCFA)
Total 100 51,2 millions (26,4 milliards FCFA)
La culture en Côte d’Ivoire a un budget total s’élevant à « 2,7 milliards FCFA (5,4 millions US$) soit 0,1% du budget total de l’Etat » (Annuaire, 2008). Cependant, le chiffre d’affaires de l’écrit est estimé à 26 milliards FCFA provenant en grande partie des moyennes et grandes entreprises moins nombreuses mais très productives. Plusieurs entreprises fonctionnent dans l’informel et le marché ivoirien du livre est de petite taille. Le secteur souffre de problèmes financiers résultant de l’absence de financements publics et privés - les banques étant toujours réticentes quant aux entreprises culturelles - et de la cherté des intrants dans la fabrication du livre. A ce niveau, nous allons voir le commerce du livre en ce qui concerne les exportations et tes importations ainsi que la fiscalité qui leur est appliquée.
Tableau 4. Livre et commerce
Marchandises selon la codification du système harmonisé Droits de douane appliqués ad valorem (%)
Biens culturels de base
49 produits de l’édition, de la presse ou des autres industries graphiques ; textes, manuscrits ou dactylographiés et plans (exceptés décalcomanie, cartes postales, calendriers,…) 0
Biens culturels connexes entrant dans la production de biens et services culturels
4802 : Papiers et cartons utilisés pour l’écriture, l’impression… 5
Chiffre du commerce intérieur du livre (Edition SH 49)
Exportations 2007 en US$ (taux de croissance annuel moyen 2004-2007) : 1 626 004 (0%) Importations 2007 US$ (taux de croissance annuel moyen 2004-2007) : 31 044 693 (13%)
En tant que membre de l’OMC et de l’UEMOA, la Côte d’Ivoire veille à la mise en place d’un tarif extérieur commun et à l’application d’une préférence communautaire en Afrique de l’ouest sur certains produits entre autres, les produits industriels. De ce fait, les produits entrant dans la fabrication du livre ne sont pas soumis aux droits de douane. En revanche, le papier et les cartons sont soumis à 5% de droits de douane quand on sait qu’ils représentent dans les dépenses 70% de la fabrication du livre. Cela s’explique par le fait que la Côte d’Ivoire n’a pas encore ratifié le protocole de Nairobi. L’importation très forte du livre, se comprend à la lumière de la faiblesse de la production du livre elle-même résultant de la faiblesse de l’industrialisation du secteur, de la faiblesse de l’investissement et de la petitesse du marché.
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