lundi 10 juin 2013

ETAT DE LA RECHERCHE


1 Cadre juridique et institutionnel du livre et des TIC en côte d’Ivoire
La gestion du livre en Côte d’Ivoire passe par l’analyse de l’environnement juridique et institutionnel ainsi que par celle de la chaîne du livre; Cette analyse découle des informations disponibles dans le guide des professionnels du livre en Côte d’Ivoire[1]. Les textes majeurs qui organisent et réglementent le domaine du livre se présentent comme un cadre incluant l’élaboration de la conduite et de la politique du livre, l’édition, le dépôt légal et les bibliothèques. L’élaboration et la conduite de la politique du livre résultent de plusieurs textes[2].
La distribution-diffusion du livre, est une activité exercée par très peu d’acteurs du livre. On pourrait même dire que le maillon de la distribution du livre est quasi-inexistant en Côte d’Ivoire. Seul l’éditeur NEI-CEDA dispose d’un groupe de diffusion dont l’activité consiste à propager le plus largement possible les ouvrages en fonction du public cible. On considère "édipresse" comme l’unique diffuseur, cependant, cette société est beaucoup plus axée sur la presse locale et internationale, le livre ne représentant qu’une part très réduite de son activité. Cela explique la faiblesse de la production nationale et le marché se voit investi en grande majorité, par le livre importé. Après sa fusion avec SALIPACI, la Librairie de France devient un distributeur dont le monopole reste de fait sur ce maillon.
Acteur de la promotion du livre à côté des médiateurs du livre, le libraire assure la commercialisation du livre en proposant une diversité d’ouvrages à un public ou une clientèle. Le métier de libraire s’exerce  en principe dans un espace spécifique, convivial, structuré, lumineux ; c’est la matrice du concept de librairie. Les libraires ivoiriens sont regroupés au sein du Collectif des Libraires Professionnels de Côte d’Ivoire (CLPCI) en vue de la défense de leurs intérêts et de la promotion de leur profession. On note cependant que le livre circule de façon inégale entre les différentes zones de la Côte d’Ivoire ; à cela s’ajoute la grande présence des "librairies par terre" ou "librairies au poteau" et des librairies ambulantes, qui connaissent du succès en raison de leur proximité aux populations et du prix de revient moins élevé, des livres qu’elles offrent.
On n’oublie pas les consommateurs parmi lesquels les bibliothèques et centres de documentation, acteurs essentiels de la diffusion du livre, qui constituent des points de rencontre privilégiés entre le public et le livre. Mais les problèmes infrastructurels et de ressources humaines, sans oublier la situation qu’a traversée le pays, rendent difficile le maillage du territoire national en bibliothèques. Comme consommateurs, il y a aussi les établissements d’enseignements car, le manuel scolaire représente 70% de la production éditoriale en Côte d’Ivoire. Depuis le préscolaire jusqu’au supérieur, c’est une clientèle captive qui procure à l’industrie du livre l’essentiel de ses revenus. On n’oublie pas les grandes surfaces et les ménages qui, eux, achètent le livre quand bien même c’est en quantité réduite. Par ailleurs, la situation que traverse le pays rend le pouvoir d’achat faible quant à acquérir des livres.
On peut donc parler en Côte d’Ivoire d’une chaîne du livre aux maillons perceptibles avec une prédominance du secteur informel. On note aussi la faiblesse de la technologie, la faiblesse des investissements, l’étroitesse du marché et  l’insuffisance de la réglementation. C’est une filière dont le maillon faible est la diffusion-distribution.
Les nouvelles technologies quant à elles,  font leur apparition en Côte d’Ivoire dans le milieu des années 90. Depuis lors, les TIC n’ont cessé de connaître de profondes mutations auxquelles n’échappe pas l’industrie du livre. Touchant plusieurs corps de métiers (politique, juridique, social, anthropologique, écologique, médical, culturel, économique,…), les TIC ont fait l’objet d’une prise en compte par l’action gouvernementale avec la création du Ministère des NTIC devenu en 2011, Ministère de la Poste et des TIC (MPTIC). Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire compte 150.000 abonnés à l’Internet et les opérateurs de téléphonie mobile sont des acteurs essentiels dans le développement des TIC grâce l’offre de leurs produits qui ne cesse de connaître une croissance exponentielle. L’opérateur principal du MPTIC est l’Agence des Télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI), qui a pour mission de veiller à la bonne marche du secteur des TIC, à la réglementation et à l’octroi de licence d’exploitation en matière de télécommunication.
Selon la CNUCED, les industries culturelles contribuent à 7% du PIB dans les pays développés et à 3% dans les pays en développement. L’exportation mondiale de produits culturels est passée de 95 milliards de dollars (US$) en 1980, à 398 milliards US$ en 1998. On est passé de 0,8% à 3,1% du PNB mondial. Entre 2000 et 2005, le commerce  mondial des produits culturels a connu une croissance de 8,7%. En 2008, la valeur mondiale des industries culturelles s’élevait à 1600 milliards de US$ dont 192 milliards US$ pour les nouveaux médias.
Les statistiques dans la filière du livre en Côte d’Ivoire (dont le modèle est grandement inspiré de celui de la France) sont insuffisantes et quand elles existent, elles sont difficilement transmissibles par les opérateurs de la filière du livre et même par le MCF chargé de la gestion institutionnelle du livre. Cela explique la faible quantité des informations dans ce domaine.

L’industrie du livre en Côte d’Ivoire souffre de sa désorganisation, ce qui rend difficile la collecte des données dans ce domaine. Cependant, avec 70% de manuels scolaires et 30% de littérature générale, on retient que la production éditoriale s’élève à « 150 nouveautés et 7 millions de livres sont imprimés chaque année » [3]
La filière livre en tant qu’industrie culturelle, produit des revenus qui, dans l’économie globale de la Côte d’Ivoire permettent de saisir les enjeux de ce secteur dans le développement de ce pays. Ainsi, selon une enquête assez récente réalisée sur Abidjan pour le compte de l’OIF[4], il y a des établissements publics qui œuvrent dans le secteur de la culture. Les associations professionnelles sont indéterminées ; leur multitude et l’anarchie dans le secteur rendent difficile leur détermination. Si cet environnement culturel emploie 995 personnes, le secteur de l’édition fournit 1674 emplois pour un total de 48 structures. Ces emplois ont des répercussions sur l’économie en termes de retombées fiscales et financement des ménages. Mais la prédominance du secteur informel empêche de saisir l’importance de ce domaine. On note aussi que la filière est très peu structurée ; le maillon distribution est faible en Côte d’Ivoire ; il est marqué par le monopole de deux structures : édipresse et LDF.

La culture en Côte d’Ivoire a un budget total s’élevant à 4.040.697.000 FCFA (6.159.599 €) soit 0,1% du budget total de l’Etat. Cependant, le chiffre d’affaires de l’écrit est estimé à 26 milliards FCFA provenant en grande partie des moyennes et grandes entreprises moins nombreuses, mais très productives. Plusieurs entreprises fonctionnent dans l’informel et le marché ivoirien du livre est de petite taille. Le secteur souffre de problèmes financiers résultant de l’insuffisance de financements publics (subventions, fonds de soutien à l’initiative culturelle, fonds de soutien à la création artistique et culturelle,…) et la rareté des financements privés (faiblesse du mécénat) - les banques étant toujours réticentes à financer les projets des entreprises culturelles - et de la cherté des intrants dans la fabrication du livre.  A ce niveau, il faut noter le commerce du livre en ce qui concerne les exportations et tes importations ainsi que la fiscalité qui leur est appliquée.

La prédominance du secteur informel dans l’univers du livre rend difficile l’exercice du métier. Aussi, vu la faiblesse du maillon diffusion-distribution, les éditeurs se chargent eux-mêmes d’acheminer les livres à la commercialisation.
La fracture numérique est perceptible en Côte d’Ivoire. En effet, le secteur impose de lourds investissements et du matériel adapté, qui n’est pas à la portée de la majorité des citoyens ; lesquels ignorent encore les rudiments de cet outil aux facettes variées et souvent complexes. La connexion à l’Internet est accessible dans les grandes villes et citées fortement urbanisées, quand on sait que l’analyse démolinguistique ivoirienne fait ressortir une forte densité de la population rurale grandement touchée par l’analphabétisme et la pauvreté ; en conséquence, une grande partie de la population n’a pas accès aux TIC.  Toutefois, les TIC marquant l’ère des « digital native », sont présentes dans les habitudes des jeunes et adolescents qui développent une relation étroite avec les nouvelles technologies en constituant les plus fidèles clients des cybercafés et salles de jeu vidéo.
En occident, le livre numérique représente 8% du marché du livre. Les ″majors″ du secteur, d’origine anglo-saxons tels que tels que Amazon ou Google livres, offrent le constat du schéma de l’oligopole à franges concurrencées ou non, avec intégration verticale et concentration horizontale pour une politique de ″star-système″ tous azimuts. Dans les pays du Sud, cette part de marché est quasi-inexistante. Aussi, les acteurs du livre qui sont très peu à disposer d’un outil numérique (site web, blogs,…) subissent énormément l’influence des pays du nord.



[1] Guide des professionnels du Livre en Côte d’ivoire, 2003, pp.17-62
[2] Décret N°2001-153 du 15 mars 2001 qui place la politique du livre sous la responsabilité du Ministère de la Culture et de la Francophonie
  Loi N° 96-564 du 25 Juillet 1996 définit et protège le droit d’auteur en tant que principale rémunération des créateurs intellectuels
  Décret N° 62-28 du 02 Février 1962 régissant le dépôt légal
  Le décret N°81-232 du 15 Avril 1981 avait déjà créé le Bureau Ivoirien du Droit d’Auteur (BURIDA) qui bénéficie d’un monopole de gestion          du droit d’auteur
 Le décret N°86-448 du 25 Juin 1986 conjointement signé par le Ministère des Affaires Culturelles, le MEF et le MI transfère compétences         aux communes pour la création d’équipements et la gestion de certains établissements culturels tels que les bibliothèques, centre culturels, musées, etc. Les bibliothèques vont naître aussi dans le cadre du projet BAD dont le volet documentation est le PARMEN, né à la suite d’une convention entre  le MEN et la Banque Africaine de Développement.
Le décret N°2001-153 du15 Mars 2001 portant organisation du MCF confère à celui-ci la responsabilité de la politique du livre en Côte d’Ivoire. S’appuyant sur la Direction du Livre et de la lecture (DLL), il détermine les actions à mener. Il y a aussi la Bibliothèque nationale organisée par le décret N°71-434 du 10 Septembre 1971 qui recueille, conserve et diffuse toute production imprimée nationale. On ajoute à cela le Ministère de la Formation Professionnelle et le MEN dont la direction de la pédagogie et de la formation continue gère toute la chaîne des manuels scolaires selon l’arrêté N° 0025/MEN/CAAB du 28 Février 2001.




[3] Oumar SYLLA, Idem.
[4]. Francisco D’ALMEIDA ; annuaire de l’identification de l’environnement et des entreprises culturelles (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal), OIF, 2008.

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