1 Cadre juridique et institutionnel du livre et des TIC en côte d’Ivoire
La gestion du livre en Côte
d’Ivoire passe par l’analyse de l’environnement juridique et institutionnel
ainsi que par celle de la chaîne du livre; Cette analyse découle des
informations disponibles dans le guide des professionnels du livre en Côte d’Ivoire[1]. Les textes majeurs qui organisent et
réglementent le domaine du livre se présentent comme un cadre incluant l’élaboration
de la conduite et de la politique du livre, l’édition, le dépôt légal et les
bibliothèques. L’élaboration et la conduite de la politique du livre résultent
de plusieurs textes[2].
La distribution-diffusion du
livre, est une activité exercée par très peu d’acteurs du livre. On pourrait
même dire que le maillon de la distribution du livre est quasi-inexistant en
Côte d’Ivoire. Seul l’éditeur NEI-CEDA dispose d’un groupe de diffusion dont
l’activité consiste à propager le plus largement possible les ouvrages en
fonction du public cible. On considère "édipresse" comme l’unique
diffuseur, cependant, cette société est beaucoup plus axée sur la presse locale
et internationale, le livre ne représentant qu’une part très réduite de son
activité. Cela explique la faiblesse de la production nationale et le marché se
voit investi en grande majorité, par le livre importé. Après sa fusion avec
SALIPACI, la Librairie de France devient un distributeur dont le monopole reste
de fait sur ce maillon.
Acteur de la promotion du livre à
côté des médiateurs du livre, le libraire assure la commercialisation du livre
en proposant une diversité d’ouvrages à un public ou une clientèle. Le métier
de libraire s’exerce en principe dans un
espace spécifique, convivial, structuré, lumineux ; c’est la matrice du
concept de librairie. Les libraires ivoiriens sont regroupés au sein du
Collectif des Libraires Professionnels de Côte d’Ivoire (CLPCI) en vue de la
défense de leurs intérêts et de la promotion de leur profession. On note cependant
que le livre circule de façon inégale entre les différentes zones de la Côte
d’Ivoire ; à cela s’ajoute la grande présence des "librairies par
terre" ou "librairies au poteau" et des librairies ambulantes,
qui connaissent du succès en raison de leur proximité aux populations et du
prix de revient moins élevé, des livres qu’elles offrent.
On n’oublie pas les consommateurs
parmi lesquels les bibliothèques et centres de documentation, acteurs essentiels
de la diffusion du livre, qui constituent des points de rencontre privilégiés
entre le public et le livre. Mais les problèmes infrastructurels et de
ressources humaines, sans oublier la situation qu’a traversée le pays, rendent
difficile le maillage du territoire national en bibliothèques. Comme consommateurs,
il y a aussi les établissements d’enseignements car, le manuel scolaire
représente 70% de la production éditoriale en Côte d’Ivoire. Depuis le
préscolaire jusqu’au supérieur, c’est une clientèle captive qui procure à
l’industrie du livre l’essentiel de ses revenus. On n’oublie pas les grandes
surfaces et les ménages qui, eux, achètent le livre quand bien même c’est en
quantité réduite. Par ailleurs, la situation que traverse le pays rend le
pouvoir d’achat faible quant à acquérir des livres.
On peut donc parler en Côte
d’Ivoire d’une chaîne du livre aux maillons perceptibles avec une prédominance
du secteur informel. On note aussi la faiblesse de la technologie, la faiblesse
des investissements, l’étroitesse du marché et
l’insuffisance de la réglementation. C’est une filière dont le maillon
faible est la diffusion-distribution.
Les nouvelles technologies quant
à elles, font leur apparition en Côte
d’Ivoire dans le milieu des années 90. Depuis lors, les TIC n’ont cessé de
connaître de profondes mutations auxquelles n’échappe pas l’industrie du livre.
Touchant plusieurs corps de métiers (politique, juridique, social,
anthropologique, écologique, médical, culturel, économique,…), les TIC ont fait
l’objet d’une prise en compte par l’action gouvernementale avec la création du
Ministère des NTIC devenu en 2011, Ministère de la Poste et des TIC (MPTIC).
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire compte 150.000 abonnés à l’Internet et les
opérateurs de téléphonie mobile sont des acteurs essentiels dans le
développement des TIC grâce l’offre de leurs produits qui ne cesse de connaître
une croissance exponentielle. L’opérateur principal du MPTIC est l’Agence des
Télécommunications de Côte d’Ivoire (ATCI), qui a pour mission de veiller à la
bonne marche du secteur des TIC, à la réglementation et à l’octroi de licence
d’exploitation en matière de télécommunication.
Selon la CNUCED, les industries
culturelles contribuent à 7% du PIB dans les pays développés et à 3% dans les
pays en développement. L’exportation mondiale de produits culturels est passée
de 95 milliards de dollars (US$) en 1980, à 398 milliards US$ en 1998. On est
passé de 0,8% à 3,1% du PNB mondial. Entre 2000 et 2005, le commerce mondial des produits culturels a connu une
croissance de 8,7%. En 2008, la valeur mondiale des industries culturelles
s’élevait à 1600 milliards de US$ dont 192 milliards US$ pour les nouveaux
médias.
Les statistiques dans la filière du livre en Côte d’Ivoire (dont le
modèle est grandement inspiré de celui de la France) sont insuffisantes et
quand elles existent, elles sont difficilement transmissibles par les
opérateurs de la filière du livre et même par le MCF chargé de la gestion
institutionnelle du livre. Cela explique la faible quantité des informations
dans ce domaine.
L’industrie du livre en Côte d’Ivoire
souffre de sa désorganisation, ce qui rend difficile la collecte des données
dans ce domaine. Cependant, avec 70% de manuels scolaires et 30% de littérature
générale, on retient que la production éditoriale s’élève à « 150 nouveautés
et 7 millions de livres sont imprimés chaque année » [3]
La filière livre en tant qu’industrie culturelle, produit des revenus
qui, dans l’économie globale de la Côte d’Ivoire permettent de saisir les
enjeux de ce secteur dans le développement de ce pays. Ainsi, selon une enquête
assez récente réalisée sur Abidjan pour le compte de l’OIF[4],
il y a des établissements publics qui œuvrent dans le secteur de la culture.
Les associations professionnelles sont indéterminées ; leur multitude et
l’anarchie dans le secteur rendent difficile leur détermination. Si cet
environnement culturel emploie 995 personnes, le secteur de l’édition fournit
1674 emplois pour un total de 48 structures. Ces emplois ont des répercussions
sur l’économie en termes de retombées fiscales et financement des ménages. Mais
la prédominance du secteur informel empêche de saisir l’importance de ce
domaine. On note aussi que la filière est très peu structurée ; le maillon
distribution est faible en Côte d’Ivoire ; il est marqué par le monopole de
deux structures : édipresse et LDF.
La culture en Côte d’Ivoire a un budget total s’élevant à 4.040.697.000
FCFA (6.159.599 €) soit 0,1% du budget total de l’Etat. Cependant, le chiffre
d’affaires de l’écrit est estimé à 26 milliards FCFA provenant en grande partie
des moyennes et grandes entreprises moins nombreuses, mais très productives.
Plusieurs entreprises fonctionnent dans l’informel et le marché ivoirien du
livre est de petite taille. Le secteur souffre de problèmes financiers
résultant de l’insuffisance de financements publics (subventions, fonds de
soutien à l’initiative culturelle, fonds de soutien à la création artistique et
culturelle,…) et la rareté des financements privés (faiblesse du mécénat) - les
banques étant toujours réticentes à financer les projets des entreprises
culturelles - et de la cherté des intrants dans la fabrication du livre. A ce niveau, il faut noter le commerce du
livre en ce qui concerne les exportations et tes importations ainsi que la fiscalité
qui leur est appliquée.
La prédominance du secteur
informel dans l’univers du livre rend difficile l’exercice du métier. Aussi, vu
la faiblesse du maillon diffusion-distribution, les éditeurs se chargent
eux-mêmes d’acheminer les livres à la commercialisation.
La fracture numérique est
perceptible en Côte d’Ivoire. En effet, le secteur impose de lourds
investissements et du matériel adapté, qui n’est pas à la portée de la majorité
des citoyens ; lesquels ignorent encore les rudiments de cet outil aux
facettes variées et souvent complexes. La connexion à l’Internet est accessible
dans les grandes villes et citées fortement urbanisées, quand on sait que
l’analyse démolinguistique ivoirienne fait ressortir une forte densité de la
population rurale grandement touchée par l’analphabétisme et la pauvreté ;
en conséquence, une grande partie de la population n’a pas accès aux TIC. Toutefois, les TIC marquant l’ère des
« digital native », sont présentes dans les habitudes des jeunes et
adolescents qui développent une relation étroite avec les nouvelles
technologies en constituant les plus fidèles clients des cybercafés et salles
de jeu vidéo.
En occident, le livre numérique
représente 8% du marché du livre. Les ″majors″ du secteur, d’origine
anglo-saxons tels que tels que Amazon
ou Google livres, offrent le constat du schéma de l’oligopole à franges
concurrencées ou non, avec intégration verticale et concentration horizontale
pour une politique de ″star-système″ tous azimuts. Dans les pays du Sud, cette
part de marché est quasi-inexistante. Aussi, les acteurs du livre qui sont très
peu à disposer d’un outil numérique (site web, blogs,…) subissent énormément
l’influence des pays du nord.
[2] Décret N°2001-153 du 15 mars 2001 qui place la politique du livre
sous la responsabilité du Ministère de la Culture et de la Francophonie
Loi N° 96-564 du 25
Juillet 1996 définit et protège le droit d’auteur en tant que principale
rémunération des créateurs intellectuels
Décret N° 62-28 du
02 Février 1962 régissant le dépôt légal
Le décret N°81-232
du 15 Avril 1981 avait déjà créé le Bureau Ivoirien du Droit d’Auteur (BURIDA)
qui bénéficie d’un monopole de gestion du droit d’auteur
Le
décret N°86-448 du 25 Juin 1986 conjointement signé par le Ministère des
Affaires Culturelles, le MEF et le MI transfère compétences aux communes pour la création
d’équipements et la gestion de certains établissements culturels tels que les
bibliothèques, centre culturels, musées, etc. Les bibliothèques vont naître
aussi dans le cadre du projet BAD dont le volet documentation est le PARMEN, né
à la suite d’une convention entre le MEN
et la Banque Africaine de Développement.
Le
décret N°2001-153 du15 Mars 2001 portant organisation du MCF confère à celui-ci
la responsabilité de la politique du livre en Côte d’Ivoire. S’appuyant sur la
Direction du Livre et de la lecture (DLL), il détermine les actions à mener. Il
y a aussi la Bibliothèque nationale organisée par le décret N°71-434 du 10
Septembre 1971 qui recueille, conserve et diffuse toute production imprimée
nationale. On ajoute à cela le Ministère de la Formation Professionnelle et le
MEN dont la direction de la pédagogie et de la formation continue gère toute la
chaîne des manuels scolaires selon l’arrêté N° 0025/MEN/CAAB du 28 Février
2001.
[4]. Francisco D’ALMEIDA ; annuaire de
l’identification de l’environnement et des entreprises culturelles (Burkina
Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal), OIF, 2008.
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