mercredi 18 mai 2011

CADRE PRATIQUE : RADIO CENTRE-VILLE ET LA PROMOTION DU LIVRE, QUEBEC

Comme deuxième aspect de la démarche utilisée, le cadre pratique se veut moins théorique et plus concret ; il est bâti sur les éléments qui prennent en compte la réalité du terrain en fonction des sociétés rencontrées. A ce titre, le stage effectué à RCV a permis de comprendre la réalité du livre et de la radio selon le modèle du Québec. La RCV, a 33 ans d’existence parmi les médias du Québec. Elle émet sur les 102.3fm avec un émetteur d’une puissance de 1300 watts, RCV est une radio communautaire et multilingue avec 07 langues de diffusion qui correspondent à 07 équipes linguistiques et 07 comités de programmation: Français, Anglais, Espagnol, Portugais, Grec, Créole et Chinois (mandarin et cantonnais). Sa programmation est pour 60% en français et 40% dans les autres langues. Son mandat consiste à œuvrer pour la consolidation des relations entre communautés immigrées d’une part et d’autre part, favoriser leur intégration à la société montréalaise ; à servir de cadre d’expression pour les démunis et les sans voix en luttant contre l’exclusion sous toutes ses formes ; à promouvoir la diversité culturelle et agir pour la promotion de la culture québécoise, canadienne et francophone.

II.1 Une politique du livre dans le cadre d’un plan d’action concerté

Au Québec, le plan d’action sur la lecture à l’école a vu le jour en 2005. La particularité du livre en tant que support de communication, outil d’information, bien culturel et bien économique lui vaut d’être au cœur de plusieurs préoccupations pour lesquelles bien des secteurs sont concernés. Ainsi, une politique de promotion du livre nécessite la participation des acteurs publics comme privés à tous les niveaux de la chaîne. Le plan d’action sur la lecture à l’école repose sur un fondement et implique des acteurs précis.

II.1.1 Le fondement de la politique

Le plan d’action sur la lecture à l’école s’inscrit dans la volonté des acteurs québécois du livre de susciter chez la jeunesse l’amour de la lecture comme faisant partie intégrante de son quotidien. Ce plan qui prône en outre, la formation des jeunes lecteurs au goût de la lecture repose sur quatre principes que sont : « la présence de documents variés, la multiplication des lieux de lecture, la médiation, l’action et l’engagement » (mels.gouv.qc.ca, 2008). Une telle politique nécessite des intervenants divers.

II.1.2 Les acteurs concernés

Le Ministère de la culture est l’organe gouvernemental qui dans tout Etat assure la gestion institutionnelle du livre ; il peut s’agir comme en Côte d’Ivoire du Ministère de la Culture et de la francophonie ou dans un autre Etat d’un ministère chargé de cette tâche. « Le Ministère québécois de l’éducation, du loisir et des sports a investi 60 millions de dollars dans ce plan et ce, pour trois ans » (mels.gouv.qc.ca, 2008). Mais il s’agit aussi des organes gouvernementaux qui interviennent dans la politique du livre que sont le Ministère de l’éducation nationale pour le manuel scolaire et le Ministère du commerce pour la fixation du prix du livre.

L’école est le lieu par excellence de l’usage du livre. Les écoliers et élèves sont le public cible de bien de projets sur le livre. C’est le lieu de préciser le rôle des enseignants et des encadreurs qui deviennent des partenaires indestructibles du livre.

Les bibliothèques sont des acteurs importants du livre en raison de leur dynamique et de leur accès. « Cent cinquante-cinq (155) bibliothèques scolaires-municipales dans le cadre du plan d’action sur la lecture à l’école sont associées à cette politique au Québec » (mels.gouv.qc.ca, 2008). Mais au-delà, on retient que les bibliothèques sont des structures compétentes pour le traitement, la conservation, l’animation et la diffusion des livres. On note aussi que les bibliothèques publiques de Montréal organisent en été des animations à l’endroit de la jeunesse dans tous les parcs de la ville chaque mercredi après-midi.

Intermédiaires par excellence de toute activité sociale, les médias sont des partenaires nécessaires de toute activité sur le livre en ce sens qu’ils servent de plate-forme pour l’expression culturelle ; Radio centre-ville intervient ainsi dans le cadre d’un partenariat avec la ville de Montréal et le réseau des bibliothèques publiques de Montréal pour la production de l’émission « radio- enfants » qui se déroule dans les bibliothèques et qui est animée par les enfants eux-mêmes.

Les créateurs d’œuvres littéraires, en ce qu’ils jouissent de droits d’auteurs sur leurs œuvres, sont des personnes importantes dans la politique du livre. En effet, par leur participation aux activités des écoles et bibliothèques, ils peuvent stimuler le goût des lecteurs et les inciter à s’approprier les livres. Ce plan d’action concertée peut se présenter comme le montre la figure ci-dessous.

Figure 2. Plan d'action en faveur du livre


Source : MOULARET, 2008 : figure établie à partir du plan d’action concertée

Pour le rayonnement du livre, les entités sociales que sont l’éducation, la culture, les médias et les acteurs de la chaîne du livre doivent travailler en synergie pour asseoir une véritable politique du livre. Cela suppose un travail de communication, et d’action sur la technologie, les investissements et le marché du livre. Le livre étant le point de rencontre, il faut une réciprocité dans la détermination des stratégies pour lesquelles le prescripteur média a un grand rôle à jouer.

II.2 Une programmation culturelle

La programmation est l’offre que fait une structure de média à son public ; elle demeure l’indicateur essentiel de la qualité et du champ d’investigation. La programmation qui se présente comme une somme de programmations spécifiques, doit prendre en compte les besoins des auditeurs dans le sens de satisfaire les divers intérêts aussi bien dans les domaines du sport, de la musique,…que de la lecture. C’est pourquoi à la RCV, chaque comité de programmation propose et retient des émissions pour la grille générale de la radio. Affecté dans l’équipe francophone, ce fut l’occasion pour nous de concevoir et de produire des émissions radiophoniques sur la littérature africaine de langue française intitulée "plumes du sud" (Voir annexe N°6, p.82). Ces émissions et bien d’autres chroniques sur le sujet ont fait l’objet de recherches ; elles ont aussi nécessité une application technique notamment la mise en ondes et le montage. Elles étaient soit diffusées en direct soit en différé. Les invités appartenaient à tous les secteurs du livre et de la radio : universitaires, doctorants, étudiants, éditeurs, auteurs,… Ainsi, pour une radio de proximité, œuvrer à la promotion du livre et de la lecture suppose la production d’émissions culturelles incluant les points suivants qui doivent être précisés.

II.2.1 Le débat, la réflexion, la critique

Le point de départ du livre c’est l’expression des idées avec en substance l’échange, le débat et la réflexion. Les émissions programmées et retenues dans le cadre culturel peuvent s’articuler autour de thèmes faisant appel à des acteurs de la vie sociale et culturelle des régions dans lesquelles interviennent les radios de proximité et même à des auteurs en ce qu’ils abordent de nombreux thèmes dans leurs ouvrages.

II.2.2 La production d’émissions littéraires

A l’instar de nombreuses radios, RCV produit des émissions littéraires ; et la production radiophonique (dont ce fut le cas pour "plumes du sud") fait appel à un certain nombre d’éléments que les radios de proximité doivent avoir dans leur ligne de mire. Les impératifs de la ligne éditoriale ne peuvent occulter les fondamentaux que sont.

Un bon concept : « Pour faire une émission, il faut une table, des chaises, de l’intelligence et une bonne préparation » (Keable, 2004, p.75). On n’a pas de besoin de grande chose pour faire une émission radiophonique sur le livre car bien qu’elle nécessite des moyens de production, elle a surtout besoin d’une volonté politique clairement affirmée. Le concept tient à la naissance d’une idée et à la réflexion sur l’ensemble des paramètres en découlant :

- l’originalité de l’idée ;

- la structure cohérente et la mécanique ;

- le contenu ;

- le ton ;

- les intentions artistiques ;

- le titre ;

- le format ;

Ainsi, les émissions littéraires doivent avoir des concepts qui prennent appui sur l’innovation et se singularisent par rapport à toute autre émission. Il s’agit aussi de prévoir des émissions pour chaque catégorie de littérature ou chaque type de public: littérature jeunesse, essai, roman, littérature spécialisée, ouvrages documentaires… Le concept doit attirer et susciter l’intérêt du public par la dynamique de la formule, de la forme et de la représentation.

Une bonne heure d’écoute : "Plumes du sud" était diffusée chaque vendredi de 10h à 11h. En termes médiatiques, les heures d’écoute sont très sensibles car elles sont l’occasion pour les médias de s’adresser à un large public. Le "Day time" est l’heure d’écoute significative située entre 12h et 14h et le "prime time" est l’heure de grande écoute comprise généralement entre 20h et 22h. Mais d’abord ces notions sont fonction des sociétés dans lesquelles on les considère ; ensuite, on les attribue généralement à la télévision. C’est pourquoi les radios de proximité qui s’intéressent pour la plupart à un public de l’intérieur du pays doivent déterminer les heures d’écoute pendant lesquelles les publics sont chez eux et peuvent écouter les émissions littéraires. L’écoute des autres émissions étant différente de celle des émissions littéraires qui invitent à la réflexion. Les populations de l’intérieur du pays sont constituées de populations agricoles, de commerçants et de travailleurs fonctionnaires sans oublier les élèves et écoliers. C’est donc une population qui a ses habitudes et dont il faut tenir compte pour la diffusion des émissions littéraires.

Un bon animateur : Nous étions l’animateur de "Plumes du sud". Les producteurs d’émissions littéraires doivent mettre l’accent sur le vedettariat. Ils doivent se forger des vedettes, des célébrités capables de susciter l’intérêt du public pour l’émission. Les écrivains et les hommes de médias en tant que communicateurs sont des personnes indiquées pour assurer l’animation des émissions littéraires encore qu’ils soient formés à la communication culturelle. «…Le mandat de pareille émission, c’est à des communicateurs de masse qu’il faut le confier, et pas nécessairement à des amoureux de la lecture. D’ordinaire, c’est à des gens du livre qu’on donne la responsabilité de parler du livre. Ces gens-là parlent leur langage alors qu’il faut parler un langage de masse […] il faut parler gros » (Keable, 2004, p.74-75). L’animateur d’une émission littéraire selon Keable citant Claude Cossette, doit être un homme versé dans l’art de la communication de masse en sus de la notoriété à lui reconnue dans le monde des médias. S’exprimer à la télévision ou à la radio dans le cadre d’une émission littéraire requiert une aptitude qui dépasse le cadre de l’écrit, du texte, du livre pour épouser celui de l’expression (diction, respiration, ponctuation, intonation) par le biais d’un micro. Il s’agit de sensibiliser, mobiliser, avertir, prévenir,… créer le désir, l’envie de lire. Par ailleurs, pour les organismes culturels, la nécessité de recourir aux professionnels de la publicité peut favoriser la notoriété et donner plus d’impact à l’élément culturel.

Le Montage : Nous avons produit 16 émissions d’une heure dans le cadre de "Plumes du sud", 05 émissions de moins d’une heure variant entre 30 et 45 minutes et 04 chroniques de 05 à 10 minutes toujours relatives à la littérature africaine. Le montage est nécessaire lorsque la diffusion des émissions n’est pas en direct. Il implique un travail essentiellement électronique visant à agencer les éléments sonores, les enregistrements et les génériques dans une logique harmonieuse pour les auditeurs. Pour effectuer le montage, des logiciels sont utilisés à la RCV ; ce sont :

- cool édit pro 2.0, le principal logiciel de montage

- audacity, utilisé aussi pour le montage

- néro, pour la gravure sur CD après montage

- winamp, logiciel de diffusion.

Le montage implique pour les radios de proximité un équipement informatique avec des logiciels.

II.2.3 La couverture d’activités éducatives et culturelles

A défaut d’émissions ou de productions internes comme externes, la couverture des activités littéraires est une manière de pallier l’insuffisance de la programmation culturelle. C’est encore une fois le lieu de renforcer la collaboration avec les écoles et autres établissements scolaires dans le cadre des clubs de lecture, des activités de fan clubs d’auteurs, des animations autour du livre en bibliothèques. A cela s’ajoutent les grandes rencontres autour du livre que sont les salons du livre, les concours de création littéraire,…La couverture d’activités impose souvent le transport de kit mobiles de matériels et tout un dispositif nécessaire à la retransmission en direct quand la diffusion différée demeure le principe. C’est ainsi que RCV couvre les événements culturels auxquels elle est associée (conférence littéraire, festivals,…). Ce fut le cas de la conférence que nous avons couverte le 18 Juin 2008. Elle était animée par Tahar Ben Jelloun (écrivain marocain) à l’auditorium de la grande bibliothèque de Montréal sur le thème « le rôle de l’écrivain dans le monde d’aujourd’hui ».

II.2.4 L’élaboration de stratégies de communication pour les acteurs du livre

« Il faut établir de véritables contacts entre les médias et les autorités culturelles. Entre les médias et les organismes culturels, il faut un échange de publicité et de visibilité » (Faucher et al., 1991, p.101). Promouvoir le livre et la lecture, c’est pour une structure du livre, disposer d’un plan de communication afin de présenter aux médias et aux publics les activités et événements du domaine. Ce plan devra prendre en compte le concept, la stratégie, la méthodologie et le budget. Il s’agit avant tout de disposer d’un service de communication dirigé par un chargé de communication aidé dans sa tâche par un attaché de presse et un graphiste. Au-delà de la communication interne, ce service assure la communication externe par le biais d’un plan de communication. Le stage à la RCV nous a permis de comprendre que la promotion du livre doit obéir à des critères

.

II.2.5 Critérium de promotion

La promotion du livre doit être assurée au premier chef par les structures du livre, lesquelles seront accompagnées par les médias pour atteindre un plus large public. Tout compte fait, les structures de médias et du livre peuvent prendre comme repère le critérium suivant :

Le champ d’activité

Les éditeurs et les radios de proximité doivent déterminer le champ d’activité dans lequel ils veulent intervenir. La promotion va ainsi concerner des domaines précis pour une plus grande pénétration du marché. Cela peut être le cas de la promotion du livre de jeunesse, de la bande dessinée, du roman,…Il s’agit de champs sectoriels qui, n’excluant pas les autres, s’inscrivent au contraire dans la politique générale de promotion des organismes concernés qui, par cela-même, doivent se fixer des objectifs.

La précision des objectifs

L’objectif est considéré comme un énoncé de résultat à atteindre dans un délai précis. Qu’il soit général ou spécifique, il a pour objet d’évoquer les attentes et les délais de réalisation des résultats attendus. Les objectifs doivent être mesurables, chiffrables, quantifiables et peuvent s’’étaler sur le court, moyen et long terme. L’objectif pour un média serait de produire ou diffuser deux émissions littéraires pour les élèves et adultes sur une période de deux ans par exemple. Ou pour une structure du livre de travailler avec dix radios de l’intérieur pour la promotion de manuels scolaires durant toute l’année scolaire. Atteindre les objectifs suppose la mise en œuvre de stratégies internes.

Les publics actuels et les publics visés

L’étude des publics est une donnée essentielle dans la promotion du livre. Les productions d’émissions radiophoniques devront être conçues et diffusées pour un auditorat déjà existant mais en visant un public qui a tout intérêt à suivre ces émissions que sont les écoliers, les élèves et les étudiants. Il s’agit en outre de viser les travailleurs et les adultes qui verraient dans les émissions littéraires des moyens de formation et d’instruction.

« Le corridor d’orientation »

Le corridor d’orientation de la publicité ou de la promotion « est le fait de dégager l’axe de communication c’est-à-dire ce que l’on veut que le public retienne du sujet ou de la politique » (Faucher et al, 1991, p.103). Il est question ici de choisir un angle de traitement du livre susceptible de livrer un message pertinent car toute politique de promotion doit inciter à la lecture et par conséquent à l’achat de livre. Cette collaboration entre structures du livre et radios de proximité peut être présentée de la manière suivante :

Figure 3. Etapes de la promotion du livre


Source : MOULARET, 2008 : proposition de description de la promotion du livre par les radios de proximité

Au regard de ce schéma, on note que la promotion du livre passe par des étapes de création avec le rôle joué par les auteurs, éditeurs et diffuseurs-distributeurs qui doivent élaborer des plans de communication incluant les radios de proximité. Celles-ci vont mettre l’accent sur des stratégies de management afin de produire des émissions littéraires si-possibles avec l’aide des acteurs du livre et en langue locale. L’information reçue par les publics aura pour effet de les rapprocher du livre et partant de susciter l’achat et influencer la scolarisation en milieu rural par exemple

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