Des éléments importants vont occasionner une intrusion du livre dans les médias. Cela va donner naissance à une relation qui évoluera au fil du temps dans les différentes catégories de médias.
II.1 Les fondements de l’entrée du livre dans les médias
Des auteurs se sont intéressés à la question du livre et des médias et estiment que cette relation peut résider en divers éléments.
II.1.1 L’expression culturelle
L’homme dans sa dimension anthropologique est culture mais il a besoin d’exprimer cette culture c’est-à-dire de traduire en actes l’ensemble de ses traits distinctifs. Et il exprime cela entre autres moyens par les lettres et les arts ; dans cette optique, les médias servent de canal de diffusion de cette expression qui devient un élément catalyseur. «La culture doit être le fil conducteur de la chaîne culturelle […]. En plus, la chaîne doit être originale. Elle doit être une radio de référence dans le monde de la culture et de la littérature. Elle doit être un espace avide de littérature, de musique et de tendances nouvelles. Elle doit aussi être un lieu de découverte. La chaîne culturelle doit offrir […] à la fois un espace et un accès à la culture » (Beaulieu et al.2004, p.4). C’est une documentation assez récente selon laquelle la radio permet l’entrée du livre pour encourager, accompagner et stimuler la création littéraire. Elle sert de cadre d’expression pour les auteurs-écrivains qui font découvrir leurs œuvres en atteignant un plus large public rarement informé des événements et des œuvres littéraires. Cette entrée du livre dans la radio selon ces auteurs, naît du désir de divulguer à grande échelle la particularité et la singularité de l’art littéraire et de ses auteurs. Et au-delà, c’est l’identité culturelle qui est nourrie par la langue, les arts et servie par la radio. En outre, « la lecture est la condition de possibilité même de la culture […] et elle en est l’accomplissement par excellence […]» (Peroni, 1991, p.17). Connaître sa culture et apprendre la culture sont choses rendues accessibles par la lecture. La lecture contribue à la formalisation des systèmes de représentations et de communications, ainsi que des modes de conception de la pensée. Caractère propre à chaque communauté humaine, la culture s’incarne, s’épuise et s’achève dans la lecture pourrait-on croire. Pour d’autres auteurs, le fondement peut résider dans la démocratisation de la culture.
II.1.2 La démocratisation de la culture
Dans les années 50, le concept de démocratisation de la culture émerge en France. Il part du principe qu’en tant qu’exigence démocratique, la culture doit être apportée aux populations dans les territoires. C’est une politique de décentralisation à laquelle les radios en tant que média participent ; et les auteurs estiment que « la nécessité de démocratiser la culture amène les médias à démocratiser leurs ondes » (Cayer et al, 1979, p.8). Le corollaire d’une telle politique est la prise en compte de la diversité des intérêts du public par la variation de l’offre de programmes en y insérant des émissions sur le livre. Dans ses différents aspects, le livre est présenté aux lecteurs sur toute l’étendue du territoire. Mais c’est aussi le fait que restée pendant longtemps l’apanage des privilégiés, la culture devient un domaine social accessible à tous et pour toutes les catégories sociales. Accessibilité renforcée par l’action des radios comme c’est le cas aussi en Côte d’Ivoire.
II.1.3 L’enrichissement intellectuel et artistique
Les manifestations culturelles diffusées par les médias revêtent des formes et des contenus différents; lesquels nourrissent la vie en société. En effet, l’art par sa pluralité, reflète non seulement la diversité du genre humain mais aussi la pluralité de la création. Les médias permettent de présenter les arts sous une autre forme et avec d’autres valeurs. Ils engagent la réflexion et l’analyse, développent des concepts, renforcent des pratiques, éléments qui enrichissent la vie intellectuelle et artistique.
II.1.4 L’explosion littéraire
En réfléchissant sur la question de la promotion du livre et des médias, certains auteurs estiment à juste titre que « L’explosion littéraire résulte de trois phénomènes concordants. D’abord la place de la culture dans notre société et son rôle dans les identités locales […], ensuite celui de l’initiative locale […], enfin la transformation des pratiques de lecture » (Tetu, 2004, p.3). Il y a boom littéraire à cause de l’intérêt grandissant de la culture dans la société; elle valorise l’identité en termes de langue, de peuple, de traditions et de territoire. C’est la « culture du présent et du vivant » (Tetu, idem) qui vante le patrimoine de l’homme dans ses rapports avec son milieu. Par ailleurs, les personnes morales ou physiques, publiques ou privées, au sein d’un territoire ou d’une localité donnée s’investissent dans les activités sur les livres et participent de la sorte à sa promotion. L’explosion littéraire tient aussi à la transformation quantitative et qualitative des activités de lecture au début du vingtième siècle; activités dont les cibles sont des personnes de tout âge (enfants, jeunes, adultes, personnes âgées) provenant de plusieurs domaines d’activités. Cette explosion littéraire implique un impact sociologique du livre.
II.1.5 L’impact sociologique du livre
Expliquer le fondement de la relation livre et média consiste pour les auteurs à mettre en exergue les impacts de ces deux entités. Il en ressort que « l’impact sociologique du livre est plus profond que celui de la télévision. La télévision n’unifie ni ses publics, ni leurs pratiques. La lecture jette un pont entre les autodidactes et les diplômés et brouille un peu les clivages du champ culturel » (Establet et Felouzis, 1992). En dehors de toute intervention extérieure, la pratique de la lecture pour l’être humain lui assure information et formation. La lecture sclérose l’esprit et transmet au lecteur la connaissance en lui bâtissant une personnalité intellectuelle. En revanche, la télévision qui inspire avant tout le divertissement, se préoccupe de convaincre par les images.
«Le livre pose la réflexion plutôt que le divertissement, multiplie les opinions plutôt que la convergence idéologique, assure la diversité culturelle plutôt que l’uniformité des masses» (Keable, 2004). Par la lecture, le travail et l’effort intellectuels sont valorisés; le lecteur se forge une opinion personnelle par le développement de la critique, de l’analyse et parvient à apprécier les phénomènes sociaux sans verser dans le suivisme. La lecture offre la connaissance et la découverte de nouveaux horizons; L’acceptation et le respect de l’autre dans sa différence pour un monde de dialogue et d’échanges à l’échelle planétaire. La lecture réduit les fossés et fait tomber les barrières sociales en présentant aux lecteurs tous les savoirs contenus dans les livres. Il n’y a plus ni diplômés ni demi-lettrés car tout est matière à connaissance livresque ; choses utiles au rapprochement social.
II.1.6 «La radio, une puissance sociale» (Legendre, 1951)
Au milieu du vingtième siècle, des auteurs ont déjà l’avantage de montrer la force de la relation livre-média en mettant l’accent sur l’enjeu de cette relation pour l’épanouissement de l’être humain en tant que membre appartenant à une société. Le livre trouve un partenaire éloquent en la radio parce que celle-ci est précisément une puissance sociale c’est-à-dire que son apport demeure important dans la construction de l’éthique et la conscience sociale. En informant, formant et divertissant, la radio contribue à l’amélioration de la perception sociale comme le dit l’auteur : « la radio, source d’information, moyen d’éducation, instrument de divertissement, peut rendre l’enseignement attrayant. Au moyen de procédés, d’instruments et d’artifices qui lui sont propres, elle peut vulgariser le contenu substantiel de nombreux livres. Ce qui lui confère une autorité incomparable en même temps qu’une importante responsabilité. Partout dans le monde, elle continue d’initier aux sciences et aux arts un public autrefois isolé de toute activité intellectuelle et fermé à toute manifestation artistique. Ce public a aujourd’hui des goûts, des opinions sur une partie des trésors de l’humanité mondiale. […] Pour la majorité des humains, en effet, la culture ne peut s’acquérir et se poursuivre, s’élaborer goutte à goutte, durant une longue période d’années dans le climat studieux des salles d’étude ou la calme atmosphère d’une bibliothèque. Or, ceux qui ignorent les joies d’une telle lecture sérieuse, ceux-là la radio les sauve de l’ignorance totale, elle éveille leur curiosité, elle les éclaire et leur donne des aperçus sous une foule de questions ». (Legendre, 1951, pp.15-16).
Il appert au regard de ce point de notre revue bibliographique, que les auteurs ayant abordé dans leurs écrits la relation sur le livre et les médias apprécient de façon systémique chaque élément de cette relation pris séparément. Ils essaient de montrer les mutations sociales ayant entraîné l’intérêt pour le livre en tant que bien culturel entrant désormais dans les habitudes des populations: il naît donc une demande sociale sur la question du livre que la radio essaie de satisfaire. Mais ces auteurs ne rapprochent pas le livre des médias et spécialement de la radio ; et c’est là où Paul Legendre a du mérite car il met au grand jour cette relation en montrant que la radio suscite le plaisir et l’envie de lire ; elle réussit là où les méthodes éducatives échouent souventes fois. Elle devient une puissance sociale par son apport à l’essor des bonnes mœurs et de la conscience sociale. Mais loin de répondre à la préoccupation essentielle du sujet, ces auteurs n’apprécient guère la relation dans les sociétés à forte dose d’oralité comme la Côte d’Ivoire dans lesquelles les problèmes de scolarisation n’ayant été résolus, on n’en peut a fortiori évoquer le cas de la pratique de la lecture. La relation ainsi née entre le livre et les médias va évoluer au fil du temps.
II.2 L’évolution de la relation livre et médias
Cette évolution du livre dans les médias peut s’observer à travers les différentes catégories de médias suivants :
Le livre a trouvé fortune singulière dans la presse qui est devenue un des principaux partenaires en matière de promotion. Les journaux, quotidiens, hebdomadaires, mensuels, bimensuels, magazines,… ont constitué des moyens par excellence de promotion du livre. En effet, la presse apparaît depuis comme un « média fort » (Paul, 1991, p.63) qui s’est bâti en ce qu’il a constitué l’une des premières sources d’information. C’est le cas de « Label France » diffusé par la direction de l’écrit et des médiathèques du Ministère français des Affaires Etrangères (MAE) qui présente dans ses numéros de véritables dossiers sur le livre, les bibliothèques, … En Côte d’Ivoire, « Fraternité matin » premier quotidien, a une lucarne pour le livre sans compter les autres quotidiens dont les journalistes culturels présentent des articles sur des livres ou des auteurs.
A la radio, les émissions littéraires commencent à voir le jour sous différentes rubriques. Au Québec, l’on estime que « la radio est un média de communication sociale qui existe depuis plus de 70 ans […] » (Pagé, 2006, p.11). Sa naissance a pris en compte la nécessité de former les masses par le livre d’où l’existence des émissions littéraires. En Côte d’Ivoire, les radios naissant pour la plupart dans le privé vont s’intéresser ou pas selon leur ligne éditoriale à la production d’émissions littéraires. Les radios d’Etat ont des émissions littéraires mensuelles et des magazines culturels hebdomadaires qui incluent des chroniques sur le livre.
Dans le domaine de la télévision, "Lecture pour tous" est la première émission littéraire à avoir vu le jour en France. Elle était diffusée sur la première chaîne de la Radio Télévision Française (RTF) à partir de 1953. Elle va durer jusqu’en 1968. Elle recevra entre autres François Mauriac, Léopold Sédar Senghor (Université.deboeck.com, 2009),… Cela va marquer la naissance et le développement des émissions littéraires sur les télévisions françaises dont le point culminant sera « Apostrophes » de Bernard Pivot diffusée sur TF1 de 1975 à 1990. « Cette émission aura du succès avec des téléspectateurs variant entre 1,7 et 4,3 millions » (Keable, 2004, p.77). En Côte d’Ivoire, on a les premières émissions dans les années 70 lorsque l’éducation était soumise au système télévisuel. Aujourd’hui, la libéralisation de la télévision n’est pas effective mais la télévision dispose de trois émissions dont une suspendue (Pleine page).
Présenté pour la première fois en Avril 2000, le livre électronique entre dans le commerce en Décembre 2000. « Avec internet, on a un nouvel aspect de présentation matérielle des connaissances » (artezia.net, 2008). En effet, le bouleversement se perçoit au niveau du texte qui défile désormais sur un écran, changeant de ce fait la manière d’appréhender la connaissance. A l’opposé du livre traditionnel, le livre numérique nécessite un support électronique encore difficile d’accès en Côte d’Ivoire d’où la nécessité de travailler sur le livre traditionnel.
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