II.1 Considérations générales sur la Côte d’Ivoire
Décrétée colonie française en 1893, la Côte d’Ivoire obtient son indépendance le 07 Août 1960 avec un régime présidentiel. C’est un Etat de l’Afrique occidentale qui a une superficie de 322 462 km2. A ce jour, elle compte « 19 régions (voir annexe N°1 carte administrative de la Côte d’ivoire, p.74), 58 départements, 243 sous-préfectures et 197 communes. Depuis 1983, la capitale est Yamoussoukro et Abidjan demeure la principale ville du pays. Inégalement repartie, la population évaluée à environ "20,2 millions d’habitants" est plus concentrée dans le sud ; elle est une mosaïque de 70 ethnies avec une population d’immigrés estimés au 1/3 de sa population et le français est la langue officielle » (tlfq.ulaval.ca, 2008). Avec « 5300 km de route bitumée, l’agriculture occupe 60 à 65% de la population active ; le taux de scolarisation varie entre 42,4% et 83,4% et le taux de scolarisation des filles dans certaines zones est de 33% » (Sylla, 2007 pp.11-12). Après une croissance économique dans les vingt premières années de son indépendance due à la bonne tenue des cours du café et du cacao, le pays connaît une crise économique dans les années 80. Mais c’est surtout l’année 1999 qui va marquer les bouleversements de cette jeune république ; en effet, un coup d’Etat plonge la Côte d’Ivoire dans une période d’instabilité dont le fait marquant sera la crise politico-militaire de Septembre 2002 avec pour conséquence la partition du pays en deux zones : le nord occupé par les rebelles appelés forces nouvelles et le sud par les forces gouvernementales avec à leur tête le président légitimement élu. Les tentatives de résolution du conflit ivoirien entamées à Dakar, Lomé, Linas-Marcoussis, Accra, Pretoria demeurées infructueuses, il a fallu attendre 2007, pour que les accords de Ouagadougou signés par les seuls protagonistes enclenchent le processus de paix encore soumis à des difficultés.
II.2 Justifications du choix du thème
Les métiers du livre dont ceux des bibliothèques, offrent le constat de la désertion de ces structures d’information documentaire par les populations parmi lesquelles les élèves. Le manque d’intérêt quant à leur fréquentation est l’expression de la défaillance des structures du livre, promoteurs premiers de ce bien culturel. En effet, les populations et plus particulièrement les élèves ne fréquentent pas assez / ou plus les bibliothèques qui regorgent pourtant de fonds documentaires pertinents. Aussi, les bibliothèques, disposant souvent d’un personnel non qualifié, n’ont aucune disposition à réagir à ce genre de situation, faute d’une gestion efficiente. Face à cela, les bibliothèques doivent entrevoir le renouvellement de leur approche en vue de s’orienter vers les médias communautaires qui peuvent se poser comme de véritables partenaires au développement de la lecture. Les stratégies d’une meilleure promotion doivent ainsi prendre en compte les radios de proximité.
La question du livre et de sa promotion présente un intérêt pour la Côte d’Ivoire en raison des revenus financiers générés par l’industrie du livre. En tête des industries culturelles pour les «retombées financières avec 26,4milliards de FCFA et 1291 emplois » (Annuaire, 2008), l’industrie du livre se présente comme un facteur de développement de la Côte d’Ivoire. La performance de ce secteur peut constituer un atout pour ce pays par la multiplication des acteurs et la structuration de l’économie du livre. La formation d’une niche déjà de petite taille en ce qui concerne le marché, peut être élargie par la diffusion de l’information à toutes les couches de la population et ce travail de diffusion et de promotion peut être soutenu par les radios de proximité qui deviennent ainsi un acteur du développement du livre et partant du développement des médias.
La libéralisation de l’espace audiovisuel a donné naissance aux radios de proximités qui partagent le même réseau technique de diffusion avec bien d’autres radios. Elles se trouvent ainsi dans une logique concurrentielle qui les incline à s’adapter au contexte à travers des stratégies nouvelles. Ces stratégies axées sur la recherche du profit donnent un grand accès aux divertissements et même au sport. Il en découle une modification des habitudes des auditeurs et de leurs loisirs. Or, la lecture est une activité essentielle à la réalisation de l’être humain. Mais face aux médias de plus en plus sophistiqués et face à la grande place accordée aux loisirs, le livre est marginalisé et même exclu des programmes des chaînes de radio et télé. Et la situation est d’autant plus grave que les élèves et étudiants ne sont guère pris en compte, au contraire, ils s’éloignent progressivement de leurs livres.
Selon Gusse, (2006) : « les radios communautaires au niveau du mode de financement, du mode de fonctionnement et de la programmation font ressortir trois grands principes : l’accès aux médias, l’appropriation collective de la radio, la création d’une alternative aux médias conventionnels » Cela nous permet de comprendre que les radios de proximité sont des outils d’intégration communautaire qui permettent de créer et de renforcer le lien social. Elles regroupent les populations autour de faits sociaux ; lesquelles populations les acceptent comme source d’information par excellence. En tant qu’outil de médiation, les radios de proximité sont des compléments nécessaires aux médias d’Etat en ce qu’elles constituent des relais d’information et de sensibilisation pour ce qui concerne l’éducation, la morale,… Elles sont ainsi des instruments indispensables pour la promotion du livre et de la lecture. Leur zone d’action limitée à un territoire donné et l’usage de la langue locale leur permettent d’agir en tenant compte des spécificités démolinguistiques. Les émissions littéraires prendront ainsi les couleurs de la région ou de la localité concernée.
On note aussi qu’en Côte d’Ivoire les radios de proximité sont les plus nombreuses. Au nombre de 93, elles sont présentes sur la quasi-totalité du territoire national (voir annexe N°2, carte radiophonique, p.75) et offrent leur programme à un très large public souvent oublié dans les grands médias vu les objectifs axés sur la quête de profit.
Soutenir la promotion du livre est le lieu pour les radios de proximité de contribuer à la promotion de la culture ivoirienne et francophone. C’est un aspect culturel qui mérite d’être souligné eu égard au rôle de langue véhiculaire que joue la langue française en Côte d’ivoire, pays d’Afrique qui n’a pas de langue nationale. La diversité culturelle devenue depuis la déclaration de l’Unesco de 2001 patrimoine mondial, amène à comprendre la nécessité de reconnaître et d’accepter l’autre dans sa différence. C’est un travail d’éducation que le livre doit jouer en collaboration avec les radios de proximité ivoiriennes pour la sauvegarde de l’unité et de la cohésion sociale.
II.3 Synthèse des données de terrain
« Pour avoir un média sur le livre, il faut interroger l’édition » (Keable, 2004). Autrement-dit, la production éditoriale annuelle est-elle assez forte pour permettre la naissance et l’essor d’un média sur le livre? En effet, un projet impliquant la radio et relatif à la promotion du livre doit s’inscrire dans un environnement où le livre lui-même est valorisé. Cela passe par la radioscopie de la filière du livre en Côte d’Ivoire : Comprendre son fonctionnement, découvrir ses acteurs, les contextes politiques, socio-historiques et économiques de cette filière depuis les indépendances jusqu’à nos jours. Découvrir les réalités de chaque maillon de la chaîne du livre : auteurs, éditeurs, diffuseurs-distributeurs, commerçants et consommateurs du livre. Dans cette chaîne des valeurs, il est bon de comprendre l’apport économique de ce secteur dans l’économie globale du pays.
Les statistiques dans la filière du livre en Côte d’Ivoire (dont le modèle est grandement inspiré de celui de la France) sont insuffisantes et quand elles existent, elles sont difficilement transmissibles par les opérateurs de la filière du livre et même par le MCF chargé de la gestion institutionnelle du livre. Cela explique la faible quantité des informations dans ce domaine. On retient cependant que quelques données sont visibles mais ne sont pas récentes. Ainsi, jusqu’en 2003, les acteurs du livre se répartissaient comme suit
Tableau 1. La chaîne du livre en Côte d'ivoire
N° | INTERVENANTS | QUANTITE |
1 | Ecrivains | 88 |
2 | Editeurs | 11 |
3 | Techniciens prépresse | 4 |
4 | Imprimeurs | 17 |
5 | Distributeurs | 3 |
6 | Libraires | 22 |
7 | Bibliothèques-Documentations | 83 |
Source : Guide des professionnels du livre de Côte d’Ivoire, 2003
L’industrie du livre en Côte d’ivoire souffre de sa désorganisation, ce qui rend difficile la collecte des données dans ce domaine. Cependant, avec 70% de manuels scolaires et 30% de littérature générale, on retient que la production éditoriale s’élève à « 150 nouveautés par an et 7 millions de livres sont imprimés chaque année » (Sylla, 2007).
La filière livre en tant qu’industrie culturelle, produit des revenus qui, dans l’économie globale de la Côte d’Ivoire permet de saisir les enjeux de ce secteur dans le développement de ce pays. Ainsi, selon une enquête assez récente réalisée sur Abidjan pour le compte de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF), les données suivantes peuvent être présentées[1] :
Tableau 2. Environnement et emplois
SECTEUR | FONCTION | NOMBREDE STRUCTURES | EMPLOIS |
Environnement culturel | Organisme de formation | 5 | 243 |
Structures institutionnelles | 4 | 752 | |
Associations, organisations professionnelles | 18 Ind. | ||
TOTAL | 27 | 995 | |
SECTEUR | FONCTION | NOMBRE DE STRUCTURES | EMPLOIS |
Edition | Maisons d’édition | 10 | 473 |
| Distributeurs-Librairies | 15 | 230 |
| Presse écrite | 11 | 817 |
| Agences de presse | 4 | 89 |
| Bibliothèque | 8 | 65 |
TOTAL | | 48 | 1674 |
Sont pris en compte dans ce tableau les établissements publics qui œuvrent dans le secteur de la culture. Les associations professionnelles sont indéterminées ; leur multitude et l’anarchie dans le secteur rend difficile leur détermination. Si cet environnement culturel emploie 995 personnes, le secteur de l’édition fournit 1674 emplois pour un total de 48 structures. Ces emplois ont des répercussions sur l’économie en termes de retombées fiscales et financement des ménages. Mais la prédominance du secteur informel empêche de saisir l’importance de ce domaine. On note aussi que la filière est très peu structurée ; le maillon distribution est faible en Côte d’Ivoire ; il est marqué par le monopole de deux structures : édipresse et LDF.
Toujours dans le sens de la contribution à l’économie nationale, on en arrive au niveau d’activités.
Tableau 3. Revenus financiers du livre
SECTEUR | TAILLE DES ENTREPRISES | PART(%) | NIVEAU D’ACTIVITE (US$) |
| Micro entreprises | 58 | 300 000 en moyenne (153 millions FCFA) |
Ecrit | Petites entreprises | 30 | 2 millions en moyenne (1 milliard FCFA) |
| Moyennes entreprises | 10 | 5,7 millions en moyenne (3milliards FCFA) |
| Grandes entreprises | 2 | 9,6 millions en moyenne (5 milliards FCFA) |
Total | 100 | 51,2 millions (26,4 milliards FCFA) |
La culture en Côte d’Ivoire a un budget total s’élevant à « 2,7 milliards FCFA (5,4 millions US$) soit 0,1% du budget total de l’Etat » (Annuaire, 2008). Cependant, le chiffre d’affaires de l’écrit se chiffre à 26 milliards FCFA provenant en grande partie des moyennes et grandes entreprises moins nombreuses mais très productives. Plusieurs entreprises fonctionnent dans l’informel et le marché ivoirien du livre est de petite taille. Le secteur souffre de problèmes financiers résultant de l’absence de financements publics et privés - les banques étant toujours réticentes quant aux entreprises culturelles - et de la cherté des intrants dans la fabrication du livre. A ce niveau, nous allons voir le commerce du livre en ce qui concerne les exportations et tes importations ainsi que la fiscalité qui leur est appliquée.
Tableau 4. Livre et commerce
Marchandises selon la codification du système harmonisé | Droits de douane appliqués ad valorem (%) |
Biens culturels de base 49 produits de l’édition, de la presse ou des autres industries graphiques ; textes, manuscrits ou dactylographiés et plans (exceptés décalcomanie, cartes postales, calendriers,…) | 0 |
Biens culturels connexes entrant dans la production de biens et services culturels | |
4802 : Papiers et cartons utilisés pour l’écriture, l’impression… | 5 |
Chiffre du commerce | intérieur du livre (Edition SH 49) |
Exportations 2007 en US$ (taux de croissance annuel moyen 2004-2007) : 1 626 004 (0%) | Importations 2007 US$ (taux de croissance annuel moyen 2004-2007) : 31 044 693 (13%) |
En tant que membre de l’OMC et de l’UEMOA, la Côte d’ivoire veille à la mise en place d’un tarif extérieur commun et à l’application d’une préférence communautaire en Afrique de l’ouest sur certains produits entre autres, les produits industriels. De ce fait les produits entrant dans la fabrication du livre ne sont pas soumis aux droits de douane. En revanche, le papier et les cartons sont soumis à 5% de droits de douane quand on sait qu’ils représentent dans les dépenses 70% de la fabrication du livre. Cela s’explique par le fait que la Côte d’Ivoire n’a pas encore ratifié le protocole de Nairobi. L’importation très forte du livre, se comprend à la lumière de la faiblesse de la production du livre elle-même résultant de la faiblesse de l’industrialisation du secteur, de la faiblesse de l’investissement et de la petitesse du marché. Après ces données sur le livre, nous allons nous intéresser au secteur de la radio qui connaît les mêmes difficultés que livre en ce qui concerne les données.
« La radio […], est un média qui présente des enjeux économiques indéniables car il fait naître un marché très important de postes récepteurs » (Tudesq, 2002). En effet, la vulgarisation des postes récepteurs a permis l’écoute, la réception et l’implantation de la radio ; et cette vulgarisation ne cesse d’augmenter selon le tableau suivant.
Tableau 5. Le marché des postes récepteurs en Côte d'ivoire
PERIODE | POPULATION | PARC |
Fin 1982 | 8.5 millions | 1 million |
Décembre 1994 | 13.62 millions | 2 millions |
1998 | 14.29 millions | 2.2 millions |
Source : Tudesq, 2002 ; p110
Vu l’implantation et l’expansion de la radio de façon progressive, le marché va s’élargir et croître en tenant compte du prix accessible du poste récepteur pour les populations urbaines et rurales. Cela fait comprendre que jusqu’en 1998, l’on n’a pas connu de détérioration forte du pouvoir d’achat.
En Afrique, les émissions éducatives et culturelles dans lesquelles s’inscrivent les émissions littéraires font l’objet d’une écoute relative due à des facteurs de temps, de conception, d’animation et de programmation. Ainsi, les statistiques de leur écoute sont les suivantes :
Tableau 6. Ecoute des émissions éducatives et culturelles en Afrique
CATEGORIES | ECOUTE GLOBALE | UNE FOIS PAR SEMAINE | UNE FOIS PAR MOIS |
ENSEMBLE | 12.8% | 4.7% | 5.7% |
CADRES | 39.6% | 10.7% | 18.2% |
OUVRIERS | 11.7% | 4.9% | 6.3% |
FEMMES AU FOYER | 4.3% | 2.3% | 1.5% |
AISES | 28.8% | 9.1% | 12.5% |
DEMUNIS | 9.5% | 3.2% | 4.8% |
Source : Tudesq, 2002 ; p205
Selon ce tableau, les cadres écoutent plus les émissions culturelles ; viennent ensuite les aisés et ce, en raison de leur éducation, du taux de scolarisation et du pouvoir d’achat élevés dans ces milieux. Les ouvriers viennent comme auditeurs intermédiaires, avant les femmes au foyer et les démunis ne disposant pas de moyens pour se procurer le poste récepteur ; et préoccupés par les problèmes vitaux du quotidien.
Les émissions littéraires en Côte d’Ivoire sont présentes sur les différentes radios. Mais faute d’informations recueillies sur la question surtout en ce qui concerne les émissions littéraires dans les programmations des 93 radios de proximité, les émissions proposées par les médias d’Etat sont les suivantes :
Tableau 7. Programmation sur les médias d'Etat ivoiriens
MEDIAS | CHAINE | EMISSION | TRANCHE HORAIRE | JOUR DE DIFFUSION | FORMAT |
TELEVISION | RTI 1ère chaîne | Envie de lire | 09h-09h30 | mercredi | Hebdomadaire 30mn |
Pleine page (suspendue) | 21h30mn-23h | mercredi | Bimensuel 90mn | ||
TV2 | Livre au chevet | | | Hebdomadaire 90mn | |
RADIO | Chaîne Nationale de Radio Côte d’Ivoire | Lectures croisées | 20h30mn-22h | mercredi | Mensuel 90mn |
Fréquence 2 | Néant | _ | _ | _ |
Source : MOULARET, 2008 : RTI, 2009 informations collectées à partir des grilles de programmes de la RTI
Ce tableau fait ressortir les trois émissions de la télévision ivoirienne consacrées au livre. Il est à noter que « Pleine page » connaît un succès en raison de la personnalité de l’animateur qui est lui-même écrivain et critique et de l’angle d’approche qui est celle de la controverse et de la critique du pouvoir. Depuis quelques mois, cette émission figurant toujours sur la grille des programmes, n’est cependant plus diffusée. L’ensemble des émissions concerne la littérature générale, accent mis sur les adultes à l’exclusion de la littérature jeunesse.
En se référant au cas de la RCV, radio communautaire et multilingue de Montréal, qui appartient à un univers qu’est celui du Québec où l’industrie du livre est assez dynamique, on dispose des informations suivantes :
Tableau 8. Revenus de la filière livre au Québec
DESIGNATION | MONTANT | ANNEE |
Production annuelle de titres | 4400-5500 | 2005 |
Chiffre d’affaires des maisons d’édition | 390M $ | 2001 |
Concentration (les dix principaux distributeurs) | 90% du marché | 2002 |
Nombre d’emploi de la filière | 10.522 | 1998 |
Masse salariale de la filière | 368M $ | 1998 |
Marché de la littérature générale (Vente au Québec) | 71% | 2004 |
Marché du livre scolaire (Ventes au Québec) | 29% | 2004 |
Marché du livre au Québec (ventes finales) | Editeurs154M $ | 2005 |
Distributeurs 27M $ | ||
Libraires 447M $ | ||
Grandes surfaces 85M $ | ||
Autres points de ventes 18M $ | ||
Part de marché des éditeurs de propriété québécoise | Littérature générale 36% | 2005 |
Marché du livre scolaire 29% | ||
Ensemble du marché 45% | ||
Droits d’auteurs versés par les éditeurs agrées | 17,9% | 2005 |
Source : Association nationale des éditeurs de livre M= milliers de dollars canadiens
L’industrie du livre au Québec appartient à une économie globale structurée qui donne de comprendre que la production annuelle varie entre 4400 et 5500 titres. De ce fait, l’importation de livres est réduite. On note le rôle important des principaux distributeurs de livre qui représentent 90% du marché traduisant une concurrence sur le marché assortie d’un certain monopole. La diversification des points de vente fait comprendre la grande part des librairies qui détiennent le revenu le plus élevé, suivi des éditeurs. Cela peut s’expliquer par le fait que les librairies sont plus proches des consommateurs. La filière emploie plus de dix mille personnes et permet ainsi de contribuer à l’économie globale en finançant des ménages et en payant des impôts. Le livre scolaire contrairement à la Côte d’Ivoire, représente 29% du marché avec une forte part pour l’ensemble du marché qui représente 45% et la littérature générale 36%. Cela rend compte du fait que la lecture au Québec dépasse le cadre scolaire et s’inscrit dans les habitudes des québécois. Mais le reversement des droits d’auteurs aux écrivains demeure encore faible et peut expliquer des relations difficiles entre auteurs et éditeurs.
En Egypte, « l’édition naît en 1852. Favorisée par le mouvement intellectuel et artistique du 20e siècle, elle connaît un essor qui s’étend de la Mauritanie à l’Indonésie. Aujourd’hui, la filière qui représente 45% des livres du monde arabe compte 400 maisons d’édition dont 10 maisons publiques pour une production annuelle comprise entre 12 000 et 18 000 titres. 300 livres ont été adaptés au cinéma et 1000 livres sont traduits par an. Elle s’adresse à 6 millions d’acheteurs potentiels appartenant à ce pays d’environ 75 millions d’habitants pour un taux de scolarisation compris entre 55 et 60%. Les revenus de cette filière s’élèvent à 7 milliards de pounds (la Livre Egyptienne) dont 2 milliards pour le maillon de l’édition. La filière contribue à 1,2% de l’économie nationale, emploie près de 2000 personnes et compte environ 500 auteurs »[2].
II.4 Hypothèses de recherche
A ce niveau, posons-nous la question comme cet auteur : « les émissions littéraires font-elles lire davantage ou au contraire dispensent-elles de lire ? » (Peroni, 1991, p7). En effet, quels sont les effets des médias sur la lecture ? Les radios de proximités en tant qu’instruments de formation, d’information et de divertissement ont une incidence sur les habitudes des auditeurs et des populations en général dans le sens d’une communication pour le changement de comportement. A ce titre, les projets relatifs à la promotion du livre sont de nature à modifier voire, rapprocher les pratiques radiophoniques des pratiques livresques. A l’heure où, dans les pays en voie de développement, les politiques éducatives sont axées sur la scolarisation, l’alphabétisation et la formation, les radios de proximité peuvent servir d’interface pour la sensibilisation des populations quant à la mise en œuvre et la réception de ces politiques.
La prise en compte de la politique du livre par les radios de proximité participe de l’animation culturelle des localités concernées. Les régions du pays et en particulier celles du nord, du centre et de l’ouest ayant lourdement subi les affres de la crise politico-militaire renouent avec le dialogue des cultures dans l’amélioration de la connaissance. Celle-ci passe par la promotion du livre soutenue par l’action des radios de proximité qui peuvent influencer la vie culturelle de ces régions. L’activité livresque prenant en compte le rôle des bibliothèques s’inscrit dans toute politique culturelle participant de l’aménagement culturel du territoire.
II.5 Objectifs de l’étude
L’objectif premier de cette étude est de servir de contribution à la réflexion sur la filière du livre en Côte d’Ivoire. C’est entre autres « développer une politique de soutien à la création littéraire, de promotion, de sensibilisation au livre et à la lecture […] » (Chailley et Charles, 1993, p7). Il s’agit de définir la promotion du livre et de la lecture par la précision de stratégies de développement et de valorisation du livre et des industries culturelles en Côte d’Ivoire. Il s’agit aussi d’aider le livre à se faire une place dans l’univers des médias au moment où le débat de la culture en tant que quatrième pilier du développement durable est d’actualité. .
De façon plus spécifique, il s’agit de :
- mieux cerner la place accordée au livre dans les médias ivoiriens en général et les
radios de proximité en particulier ;
- faire ressortir les difficultés relatives à la chaîne du livre et à sa promotion ;
- présenter un projet d’émissions littéraires permettant de promouvoir les acteurs de la
chaîne du livre ;
- proposer un plan médias pour les entreprises culturelles ;
- proposer des stratégies de promotion du livre pour les radios de proximités
II.6 Identification du problème
L’industrie ivoirienne du livre- encore embryonnaire- est insérée dans une économie nationale elle-même peu structurée qui décrit une chaîne de valeurs ayant de faibles résultats. De la création à la consommation du livre, c’est un ensemble de maillons traduisant des étapes difficiles parmi lesquelles la distribution-diffusion qui se pose comme le véritable chaînon manquant. Les éditeurs et diffuseurs du livre sont parmi les moins nombreux ; ils exercent un monopole de fait dont les conséquences sont l’inégale répartition du livre sur le territoire ivoirien et l’absence de réception efficace des populations. Aussi, les activités de promotion hors-médias sont-elles insignifiantes et la promotion médias escamotée ou éludée. Or, pour répondre aux exigences de la mondialisation économique et aux besoins d’un ordre politique pluriel et démocratique, le gouvernement ivoirien a procédé à la libéralisation de la presse écrite et de l’espace audiovisuel. Les radios de proximité sont nées avec pour ambition de contribuer au développement culturel de la Côte d’Ivoire tout en restant ouvertes aux cultures étrangères et aux autres domaines de la vie en société. Par ailleurs, le message adressé aux politiques par la déclaration des droits de l’enfant est porteur de la volonté de voir les médias diffuser le livre dans leur programme (Droitsenfant.com, 2008).
Selon un auteur « Les antennes de la radio et de la télévision nationale sont ouvertes au livre. Les émissions sont payantes mais les tarifs sont abordables » (Sylla, 2007, p93). Cette assertion, si elle introduit le débat de l’accès aux médias d’Etat dans le sens d’une collaboration sous certaines conditions, ne précise guère ces conditions quand on connaît les prix élevés de la RTI. En outre, il ne fait pas cas des médias communautaires dont les radios de proximité auxquelles les acteurs de la chaîne du livre ne s’adressent pratiquement pas. Les médias sont tous dans une logique de gestion privée ou semi-privée qui les incline vers la recherche du profit. La réalité en Côte d’ivoire, c’est la situation difficile du livre dans les émissions télé et radiodiffusées. En effet, La grille des programmes des médias contient une grande dose de divertissements, de bulletin d’information, d’émissions sportives et d’affaires publiques auxquelles les radios de proximité ne semblent point échapper. Si le libre débat ou débat d’idées, marqueur de la démocratie a trouvé fortune singulière dans les programmes des radios, il n’en va pas de même des émissions littéraires qui sont le parent pauvre de ces organes. C’est aussi le cas dans certains pays dont le Canada où après la suppression de la chaîne culturelle de Radio-Canada, les émissions littéraires ont pratiquement disparu de la grille des programmes de la télévision. Ainsi, la Société Radio Canada (SRC) ne dispose que d’une seule émission littéraire "vous m’en lirez tant". Et lorsqu’elles existent, les émissions littéraires sont diffusées à des heures d’écoute pendant lesquelles les auditeurs et téléspectateurs ne semblent pas ou plus consommer les programmes venant des médias vu les obligations qui les attendent en famille ou le lendemain au travail (voir programmation des émissions en annexe N°3, p76).
En dehors des débats relatifs au fonctionnement du système éducatif (rentrée scolaire, grèves des enseignants, programmation et déroulement des examens), aucune plateforme médiatique n’existe quant à la promotion du livre en milieu scolaire d’abord et dans la société globalement considérée ensuite. Aussi, les schémas proposés par les émissions littéraires actuelles sont-ils tous axés sur les auteurs; formule impropre à une véritable promotion du livre car promouvoir le livre, c’est agir sur chaque maillon de la chaîne en tant qu’activité culturelle et économique.
Nous sommes en droit de nous demander la signification que renferme la promotion du livre par les radios de proximité autrement-dit montrer la situation du livre dans ces radios en termes de fond et de forme. Partant de cela, le livre vecteur d’idéologie, nécessite des stratégies en vue de sa promotion dans les médias. La survie du livre avec la prédominance et la multiplicité des divertissements amène à réfléchir sur les supports de communication utiles à maintenir l’influence du livre sur les populations et sa commercialisation.
Autant de questions dont les réponses passent dans un premier temps par l’analyse de la revue de littérature sur la relation livre et médias, deuxième chapitre de notre étude.
[1] Les informations sur l’économie du livre et la contribution du livre à l’économie nationale ivoirienne ont été aimablement livrées par M. Francisco D’ALMEIDA dans le cadre du projet de l’annuaire de l’identification de l’environnement et des entreprises culturelles (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal), OIF 2008 non encore publié. (Tableaux N°2, 3, 4).
[2] Entretien avec M. AL MOALLEM, président de l’Union des éditeurs égyptiens et Directeur Général des éditions Dar-El-Shrouk.
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